EDDA en prose 2 : Le commencement du Monde et la création d'Ymir

EDDA en prose 2 : Le commencement du Monde et la création d'Ymir

"Le monde commence avec le rêve et finit par la réalité." - August Strindberg

Alors voilà, mes bons, y'a des histoires qui collent à la peau, comme une vieille cicatrice ou une odeur de poisson pourri. Des légendes de fond de taverne, des contes pour les nuits où la lune est cachée et que la seule lumière vient des flammes qui dansent et crépitent. C'est du lourd, du costaud, du salé comme une vieille morue séchée au vent du nord.

Au commencement, rien. Pas de vin, pas de fête, pas d'odeur de viande rôtie. Rien. Le néant. Un trou noir dans lequel même un viking ne voudrait pas tomber. C'est Ginnungagap, cette triste figure, un vide entre deux mondes, Niflheim d'un côté, glacé comme un ruisseau de montagne en hiver, et Muspellheim de l'autre, un enfer brûlant comme une forge en plein boulot.

 

nigungagap

 

Et dans ce putain de gouffre de Ginnungagap, au milieu de ce néant, apparaît Ymir. Un géant, un monstre, une sale bête qui fait de l'ombre à n'importe quel viking. Il suinte des créatures de sa carcasse, une famille de trolls plus laids qu'un viking après une nuit de biture.

Et d'une façon ou d'une autre, y'a aussi une vache qui pointe le bout de son museau. Une vache, ouais. Quoi de plus normal, après tout ? Les vikings, ils adorent ça. Le lait, la viande, et puis... enfin bref. Cette brave vache se met à lécher un glaçon géant et, je vous jure sur Thor que je déconne pas, elle fait apparaître Búri, un bonhomme bien foutu, fort comme un chêne, et pas con du tout.

Búri a un fils, Borr, qui lui-même a trois fils, Odin, Vili et Vé. Ces trois gaillards, c'est pas des guignols. Ils ont du cran, de la détermination. Ils s'en prennent à Ymir, le trucident et font le ménage. Avec son corps, ils bricolent le monde, avec ses os ils montent les montagnes, avec son sang ils remplissent les océans, avec son crâne ils hissent le ciel. Du boulot de viking, de la récup, de l'artisanat.

Qu'est-ce qu'on tire de ce bordel mythologique ? Qu'il faut se méfier des extrêmes, qu'il faut éviter de se geler les couilles ou de se brûler le cul. Que rien ne sort de nulle part. Que de la merde peut sortir des fleurs, et qu'il faut parfois se salir les mains pour obtenir quelque chose de beau. Et surtout, ne jamais sous-estimer un viking qui a une idée derrière la tête.

"Nous n'avons pas à craindre de nous élever trop haut, la chute n'en peut être que plus grande." - Friedrich Nietzsche

Et pour finir en beauté, laissons la place à Eirik le Poète de la Brume, un skald qui sait y faire avec les mots :

skald chantant un poème de l'Edda dans le palais d'Asgard

 

"Ginnungagap, grand vide de l'avant,

Où le froid et le feu se côtoient,

Dans ton abîme naît le géant,

Et l'ébauche d'un monde se dévoile.

 

Ginnungagap, creuset des dieux,

Où naît la vache qui lèche la glace,

Dans ton sein prend place le jeu,

D'une création qui prend place

 

guerrier viking jouant de la harpe

 

Ginnungagap, mère du cosmos,

Où Ymir tombe sous les coups divins,

Dans ton sein naît le chaos,

Et de lui, le monde enfin.

 

Ginnungagap, toi le grand mystère,

Où chaque extrême a sa place,

Dans ton silence, la terre,

Et la vie, enfin, s'embrase."

 

Bague viking Ymir

 

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