Le Frisson de l'Éternité
Gunnr, dont le nom résonne comme l'écho lointain d'un cor dans la brume des matins de bataille, était une figure singulière parmi les Valkyries. Elle portait sur ses épaules la responsabilité lourde et sacrée de sélectionner les guerriers les plus valeureux, tombés au champ d'honneur, pour les emmener au Valhalla, le palais céleste d'Odin.
Elle chevauchait les cieux avec une prestance qui commandait l'admiration et la crainte. Son armure scintillait sous les éclairs des tempêtes, aussi brillante que les étoiles qui guidaient les marins perdus dans le Nord tumultueux. Les ailes de son destrier, larges et majestueuses, faisaient frémir les cimes des arbres à chaque battement puissant.
Un jour de grande bataille, alors que le sol était saturé du sang des braves, et que les cris des mourants emplissaient l'air d'une lourde lamentation, Gunnr descendit sur le champ de bataille, son regard fixé sur une cible particulière. Ce jour-là, un guerrier nommé Hákon avait combattu avec une ardeur qui dépassait celle des hommes. Son épée dansait parmi les ennemis, une extension de sa volonté, tranchant l'acier et la chair avec la même aisance.
Gunnr, émue par la bravoure et le désespoir de ce guerrier, se posa à ses côtés au moment où il s'écroula, épuisé et mortellement blessé. Elle se pencha sur lui, sa silhouette couvrant le guerrier comme une bannière de paix, et lui murmura des mots d'une langue ancienne, promesse de gloire éternelle.
Mais ce que Gunnr ne prévoyait pas, c'était l'attachement qui naquit en elle à cet instant. La beauté tragique de ce guerrier, son courage face à l'inévitable, éveilla en elle un sentiment longtemps oublié. Dans son cœur immortel, où se mêlaient l'ordre et la discipline de son devoir, une étincelle d'humanité commença à briller, fragile comme la flamme d'une chandelle dans l'obscurité.
Les jours suivants, tandis que Hákon s'accoutumait à la vie parmi les élus d'Odin, Gunnr se tenait souvent à distance, observant avec une douleur mêlée de fierté les héros de toutes les époques s'entraîner dans les vastes salles de Valhalla. Elle, qui avait toujours été la messagère de la mort, se trouvait désormais confrontée à la cruelle ironie de son propre cœur immortel, capable de ressentir un amour impossible.
Avec une précision presque scientifique, Gunnr examinait ses propres sentiments, se demandant si, après tant de siècles de loyauté inébranlable, elle pouvait encore trouver la rédemption dans l'humanité d'un amour inavoué.
Dans la grandeur silencieuse du Valhalla, sous le regard indifférent des dieux, Gunnr, la Valkyrie, continuait de servir. Mais chaque fois que ses yeux rencontraient ceux de Hákon, un frisson traversait l'éternité, un murmure que même les dieux ne pouvaient ignorer : celui de la passion humaine.
