Le chant des anciens vikings

Le chant des anciens vikings

Ah, que la nuit tombait drue et sombre sur les fjords, comme une chape de plomb, vous savez, celle qui vous colle à la peau, vous engloutit sans demander votre avis. C'était dans ces ténèbres que les Anciens s'étaient rassemblés, autour du feu, le grand feu, celui qui crache ses flammes comme pour défier le ciel lui-même. Le vieux Einar, avec ses yeux qui avaient vu plus d'hivers que n'importe qui d'autre dans le village, il se leva, s'appuyant sur son bâton sculpté de runes mystérieuses.

« Écoutez, écoutez, les esprits nous parlent ce soir... », qu'il commence, d'une voix qui grince comme la porte de la vieille cabane au fond des bois.

Les jeunes, les moins jeunes, les vieux, tous, ils se taisent, ils écoutent. Einar, il commence son récit, un de ces récits qui vous emmènent loin, si loin que vous oubliez le froid mordant vos os.

« C'était à l'époque des grands raids, des mers déchaînées, des guerriers intrépides... » Einar, il a cette manière de parler qui vous fait voir les drakkars fendre les vagues, les épées qui brillent sous le soleil de minuit.

Les flammes dansent, projettent des ombres gigantesques sur les visages captivés. Einar, il parle des dieux, des géants, des monstres des mers, de ces héros plus grands que nature. Il parle surtout des runes, ah, les runes ! Ces signes mystérieux, gravés sur la pierre, le bois, le métal, porteurs de magie, de pouvoir, d'histoires.

jeu de runes

« Chaque rune, elle a son histoire, une histoire de sang, de larmes, de rires, de victoires... », qu'il dit, les yeux brillants, fixant les flammes comme s'il pouvait lire dedans les secrets des siècles passés.

Un gamin, le petit Bjorn, il ose demander, d'une voix fluette, « Et comment on devient un vrai homme, Einar ? »

Einar, il sourit, un sourire qui a traversé tant de tempêtes, « Ah, gamin, c'est toute une aventure, une aventure où chaque pas te forge, te façonne, où chaque épreuve te révèle à toi-même... ».

Et là, sous le ciel étoilé, avec le grondement du fjord en arrière-plan, Einar commence une nouvelle histoire, celle d'un jeune guerrier, audacieux, tête brûlée, une histoire qui sent le sel, le fer, le sang. Une histoire de courage, de peur, d'amour, de trahison.

Les yeux du petit Bjorn, ils brillent, brillent d'envie, de rêve, d'espoir. C'est là, dans cette nuit noire et froide, au cœur des flammes et des mots d'Einar, que commence la saga, la grande saga des guerriers, des runes, de ces hommes et femmes qui ont tissé la trame de leur destin, à coups d'épée, de ruse, de passion.

Einar, il poursuit, sa voix roulant comme un tonnerre lointain, « Ce jeune guerrier, il était comme un drakkar dans la tempête, fougueux, indomptable. Il avait le cœur d'un loup solitaire et l'esprit vif comme l'éclair. »

Les visages autour du feu, ils étaient tous suspendus à ses lèvres, comme des mouettes sur une mer calme, attendant la vague suivante.

« Il partit un matin, sous un ciel rougeoyant, rouge comme le sang des légendes. Sa quête, c'était pas seulement celle des richesses ou des terres lointaines. Non, il cherchait l'étoffe des vrais héros, le tissu tissé par les Nornes elles-mêmes, celles qui filent le destin. »

Einar, avec ses mots, il peignait un tableau, un tableau vivant où le jeune guerrier naviguait sur des mers plus sombres que la nuit, où les étoiles étaient ses seules compagnes, fidèles et silencieuses.

« Sur son chemin, il rencontra des créatures, oh pas de celles qu'on croise en allant chercher de l'eau au puits. Non, des créatures de légende, des serpents de mer gros comme des collines, des oiseaux dont les ailes couvraient le ciel, des hommes si grands qu'ils pouvaient marcher dans le fjord sans se mouiller les genoux. »

La flamme crépitait, jetant des étincelles comme des âmes s'échappant vers le Valhalla. Les yeux des enfants brillaient, brillants comme des boucliers polis.

« Mais ce qui forge un homme, ce sont pas les batailles contre les monstres ou la recherche de trésors cachés. Non, c'est le combat qu'il mène en lui, la tempête qu'il doit calmer, le loup qu'il doit apprivoiser. C'est dans son cœur que se joue la vraie bataille, une bataille silencieuse, mais plus féroce que toutes celles chantées par les scaldes. »

Einar, il se pencha un peu, comme pour confier un secret, « Ce jeune guerrier, il a appris que la force, c'est pas seulement dans le bras qui brandit l'épée. C'est dans le courage de choisir la paix quand la guerre serait plus facile, dans la force de pardonner quand la haine brûle les entrailles, dans l'audace d'aimer quand la peur glace le sang. »

Le feu avait baissé, mais l'histoire d'Einar, elle brûlait encore dans l'air, chaude comme un pain sorti du four, enveloppant chacun d'eux dans un manteau d'épopée et de rêve.

« Voilà, mes enfants, comment un guerrier devient un vrai homme. Ce n'est pas un chemin de roses, mais un sentier rocailleux, semé d'embûches et d'épreuves. Mais au bout, oh, au bout, il y a la gloire, pas celle des chants et des contes, mais la gloire d'avoir été fidèle à soi-même, d'avoir trouvé sa place dans le grand récit des hommes et des dieux. »

Et dans le silence qui suivit, on entendait que le vent dans les arbres, comme s'il racontait à son tour les histoires des anciens, celles qui traversent le temps et l'espace, qui parlent au cœur des hommes, hier, aujourd'hui, et demain.

Einar, avec un soupir profond comme les racines d'Yggdrasil, reprend son histoire. « Notre guerrier, après des nuits sans nombre, il arriva dans un fjord, un fjord si calme, si serein, qu'on aurait dit le miroir des dieux. Là, il rencontra une femme, une femme dont la beauté n'était pas de ce monde, belle comme la lune en hiver. »

Les visages autour du feu, ils étaient comme des feuilles en automne, suspendues à chaque mot d'Einar, prêtes à tomber dans le monde des rêves qu'il peignait.

« Cette femme, elle était le genre de mystère que même les sages ne peuvent résoudre, un secret enveloppé dans l'énigme d'un sourire. Elle parlait peu, mais chaque mot, c'était comme une goutte de rosée sur une feuille d'été, fraîche, précieuse, éphémère. »

Le feu crépitait, jouant une mélodie ancienne, une mélodie que seuls les cœurs ouverts peuvent entendre.

« Elle lui enseigna les secrets des plantes, les murmures du vent, les chansons des étoiles. Elle lui montra que la force, ce n'est pas seulement de vaincre, mais aussi de comprendre, de guérir, d'écouter. »

Einar s'arrête un instant, comme pour laisser le temps à ses mots de s'enfoncer dans la terre, de prendre racine dans les esprits.

« Mais le destin, ah, le destin, c'est un serpent rusé, toujours prêt à mordre quand on s'y attend le moins. Un jour, alors que le soleil déclinait, peignant le ciel de couleurs qu'aucun pinceau ne pourrait capturer, des guerriers ennemis surgirent, silencieux comme des ombres, féroces comme des loups affamés. »

Les yeux de l'assemblée, ils étaient grands ouverts, comme des portes sur un autre monde, un monde où chaque geste, chaque souffle compte.

« Notre guerrier, il combattit, oh oui, il combattit avec la fureur d'un ours blessé, mais ce n'était pas seulement une bataille de fer et de feu. C'était un combat pour son âme, pour choisir entre la voie du sang et la voie du cœur. »

Les flammes, elles dansaient, elles chantaient, elles racontaient leur propre version de l'histoire, une version écrite dans la langue du feu et de la fumée.

« À l'aube, quand les premières lueurs vinrent lécher les blessures de la terre, notre guerrier était seul, debout, mais changé, transformé. Il avait perdu une part de lui-même, mais il avait gagné quelque chose de plus précieux, quelque chose qui ne peut être pris ou donné, seulement découvert. »

Einar, avec un regard lointain, comme s'il voyait au-delà des montagnes, des mers, des étoiles, conclut, « Et c'est ainsi, mes enfants, que le guerrier viking apprit que la vraie force, c'est le courage de choisir son propre chemin, de forger son propre destin, même quand les dieux semblent se moquer de nous. »

Et dans le silence qui suivit, on ne sentait plus que la chaleur du feu, comme un dernier adieu de la journée, un murmure dans la nuit, un rêve dans le cœur des hommes.

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