Manches courtes
Matière : coton
col rond
Visuel impression digitale
Et voilà, la route a été longue, mordante, les rafales du Nord m’ont dépecé le visage, piqué les yeux. Et me voilà dans ce village, perdu dans l'immensité froide, un assemblage rustique de bois et de pierre, de fumée grise et d'odeurs fortes. Des figures robustes et rudes s'agitent dans l'obscurité, des silhouettes d’un autre monde. Je me suis glissé parmi eux, étranger aux regards aiguisés, cherchant à se fondre dans la masse des ombres et des lueurs vacillantes.
Dans le vacarme des conversations, j’ai saisi des bribes, des murmures de fête. C'est ce soir, paraît-il. Les visages des autochtones, tous ornés de masques étranges, des effigies des dieux, avec des cornes, des plumes, des yeux écarquillés. Tout un monde de mystère et de peur sacrée qui me dépasse, étranger que je suis, dans cet univers païen.
Intrigué, je me suis approché du maître des runes, un homme maigre, tout en longueur, la barbe grise descendant jusqu’à la ceinture. Ses yeux profonds, dissimulés sous un masque d'écorce, perce les ombres de la salle bondée. Une ambiance lourde de secrets et de rites oubliés, un monde où les dieux murmurent dans le vent glacé et les vagues déchaînées.
- Quelle est donc cette célébration ? ai-je questionné, la voix tremblante, le souffle fumant dans l'air gelé.
Il a plongé son regard dans le mien, une éternité dans une seconde, avant de me répondre d’une voix grave, résonnant dans le tumulte de la fête.
- Étranger, c’est la nuit où les masques parlent. Où les hommes écoutent les dieux à travers les visages de bois et de pierre. Ils racontent des histoires ancestrales, murmurent des prières et des malédictions, transmettent la sagesse et la folie des âges. C'est le temps où les frontières s'estompent entre le monde des hommes et celui des dieux. L'homme se perd dans la danse frénétique des esprits, s'abandonne à la transe sacrée.
Il a marqué une pause, son regard fixé au loin, comme s’il voyait à travers les murs de la salle, à travers les montagnes et les fjords, jusqu’aux confins des mondes.
- Étranger, prête l’oreille aux masques, laisse-toi emporter par le tourbillon des voix. Mais garde ton âme bien serrée, car les dieux sont jaloux, et la frontière est mince entre la révélation et la folie.
J'ai acquiescé, la tête pleine des récits et des avertissements du maître des runes. L'obscurité m'a enveloppé, les masques ont dansé autour de moi, les voix ont chuchoté, crié, ri. Dans le tourbillon des formes et des sons, je me suis laissé emporter, loin, si loin, au-delà du monde des hommes, au cœur du mystère des dieux.
Je ne sais ce qu’il en adviendra. Les masques parlent, et moi, étranger dans ce village perdu, j'écoute, les yeux grands ouverts dans l’obscurité.
